2e article du dossier "comprendre les mécanismes du stress chronique, pour mieux le prévenir et agir"
À partir des années 1970, à mesure que les machines remplacent l’homme dans les activités physiquement les plus éprouvantes, la pénibilité physique dans de nombreux métiers s’efface dans certains métiers laissant la place à la pénibilité psychologique.
En 1993, le Bureau International du Travail (BIT) estimait que le stress était devenu l’un des plus graves problèmes de santé de notre temps.
Stress, harcèlement moral, burn-out sont de plus en plus souvent invoqués comme risques pour la santé, certaines situations de travail sont identifiées comme génératrices de détresses psychologiques voire de pathologies mentales.
Le phénomène éclate au grand jour à la suite d’une série de suicides chez France Télécom/Orange entre 2006 et 2011.
Cependant dès 1959 le psychiatre français Claude Veil avait introduit le concept d’épuisement professionnel dans l’histoire de la médecine. Il faisait un parallèle fort pertinent entre notre capital santé et notre capital financier : « Tout se passe comme à la banque : tant qu’il y a une provision, les chèques sont honorés sans difficulté, quel que soit leur montant. Mais dès qu’on se trouve à découvert, le tirage, si petit soit-il, devient impossible. Chaque individu possède ainsi un certain capital, une marge d’adaptation, plus ou moins large, et qui lui appartient en propre. Tant qu’il reste à l’intérieur, en homéostasie, il peut en jouer indéfiniment. S’il vient à la saturer, la fatigue (le relevé de compte) l’en avertit ; s’il continue, même le plus petit effort supplémentaire va le conduire à la faillite, il se désadapte. Cherche-t-il des expédients de trésorerie ? Ce sera le dopage, le café, l’alcool surtout » (Claude Veil Les états d’épuisement Le Concours médical, Paris -1959).
Un peu plus tard, en 1974, dans un article intitulé « Staff burnout » Herbert Freudenberger désigne par le terme de Burn-Out Syndrome (« B.O.S. ») cet état d’épuisement émotionnel : « En tant que psychanalyste et praticien, je me suis rendu compte que les gens sont parfois victimes d’incendie, tout comme les immeubles. Sous la tension produite par la vie dans notre monde complexe, leurs ressources internes en viennent à se consumer comme sous l’action des flammes, ne laissant qu’un vide immense à l’intérieur, même si l’enveloppe externe semble plus ou moins intacte » (Herbert Freudenberger "L'épuisement professionnel : La brûlure interne" – 1980)
Cependant, la référence en matière d’épuisement survenant en milieu professionnel reste Christina Maslach psychologue américaine dans les années 80 : le burn-out professionnel est un état psychologique et physiologique résultant de l’accumulation de facteurs de stress professionnels. Le burn-out trouve ses racines, en réponse à une quantité de facteurs stressants s’inscrivant dans la durée. Le burn-out serait une conséquence de réactions de stress quotidiens ayant usé l’individu.
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Cette chercheuse en psychologie sociale, Christina Maslach, a conduit de nombreux entretiens auprès de personnes émotionnellement « éprouvées » par le travail. Elle a ainsi élaboré une première échelle de mesure qu’elle a appliquée à une population de personnes travaillant dans les domaines sociaux, de la santé et de l’enseignement. Les analyses statistiques des résultats ont mis en évidence plusieurs dimensions qu’elle a prises en compte pour construire une deuxième échelle (« Maslach, Burn-out Inventory », MBI), plus affinée.
Les résultats obtenus avec celle-ci sur une nouvelle population ont conduit à retenir trois dimensions pour définir le burn-out : « un syndrome d’épuisement émotionnel, de dépersonnalisation et de réduction de l’accomplissement personnel ».
Du côté des entreprises, les vagues de suicide précités ont amené les pouvoirs publics a étudié l'impact du travail sur la santé mentale et sociale des individus.
C'est sous l'impulsion de Xavier Bertrand, alors Ministre du travail français, qu'une commission d'experts internationaux conduite par Michel Gollac, a étudié les facteurs orisationnels et collectifs. Leurs travaux ont débouché sur une liste de 6 facteurs utilisés à présent mondialement dans le cadre de la prévention primaire des Risques psychsociaux (RPS).
On entend par "prévention primaire" le fait d'agir à la source pour supprimer autant que possibles le danger. La prévention secondaire, elle, vise à protéger les personnes face à une situation de travail où le danger demeure. La prévention tertiaire, intervient après les soins : elle vise à réparer les dommages causés à la personne).
Les risques psychosociaux (RPS) font à présent partie intégrante des risques professionnels. Ils regroupent
stress chronique/aigu professionnel,
tensions/violences au sein de l'entreprise,
tensions/violences avec les clients/usagers)
Le burnout est l'une des conséquences possibles des RPS quand ils ne sont pas traité à la source. On compte aussi d'autres conséquences telles que des maladies cardiovasculaires, des dépressions professionnelles, des troubles anxieux ou encore des suicides.
Les RPS sont au croisement de 4 dimensions :
la dimension organisationnelle,
la dimension collective,
la dimension personnelle
la dimension conjoncturelle
Les 2 premières sont, dans l'entreprise sous la responsabilité de l'employeur dans le cadre de la prévention des Risques psychosociaux, et de l'amélioration continue de la qualité de vie et des conditions de travail (QVT ou QVCT), la 3e est dans le champ de l'individu et la dernière est comme son nom l'indique : conjoncturelle.
Au Luxembourg, la prévention des RPS est obligatoire au titre de la prévention des risques professionnels (cf. Organisation internationale du travail, EU-OSHA, Code du travail livre III L-312). Les conventions bancaires et assurances prévoient que les entreprises de ces secteurs mettent en place des démarches structurées de prévention des RPS et de QVT.
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>> Apprendre plus sur l'action possible sur les facteurs de risques psychosciaux (approche d'amélioration continue de la Qualité de Vie et des Conditions de Travail QVT-QVCT et démarche de prévention des RPS : Article de l'ILQVT "6 questions pour découvrir la QVT- référence au Luxembourg dans le domaine (S.I.S sans but lucratif agréée par le Ministère du Travail, de l'emploi, de l'économie sociale et responsable).
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